Nos fondements

Genèse

La fondation Esclavage et Réconciliation est née de la rencontre entre différents mouvements et initiatives citoyens qui, depuis vingt ans, ont constaté l’impérieuse nécessité d’une réconciliation entre les descendants d’esclaves et les descendants de colons au sein des départements français marqués par le sceau de l’esclavage.

Le 23 mai 1998, à l’occasion du cent-cinquantenaire de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, 40 000 personnes, Antillaises pour la plupart, défilèrent entre les places de la République et celle de la Nation pour honorer la mémoire des victimes de l’esclavage. Cette marche fut le point de départ d’une révolution mémorielle dont l’objectif était d’inverser l’image honteuse qui était associée à l’esclave. À cet effet, les organisateurs de la marche créèrent en octobre 1999, le comité Marche du 23 Mai 1998 (CM98). Cette association plaça les victimes de l’esclavage au centre de ses préoccupations en instituant dès l’an 2000 le 23 mai comme une journée de commémoration leur étant dédiée. Depuis le 1er mars 2017, après 19 ans d’âpres combats, le 23 mai est devenu la journée nationale d’hommage aux victimes de l’esclavage. À cela s’est ajoutée la mission de chercher leur identité et leur généalogie. Grâce à un travail mené dans les archives, le CM98 a retrouvé l’identité de près de 130 000 personnes qui subirent l’esclavage en Guadeloupe et en Martinique. Des objets (livres, mémorial et monuments) furent créés pour leur rendre hommage. Ce travail permit à de nombreux descendants d’esclaves de dépasser la honte de l’origine, d’être fiers de leurs parents désormais retrouvés et honorés et de sortir du ressentiment dans lequel les enfermait une mémoire honteuse et douloureuse de l’esclavage.

Le CM98 avança alors le concept de Reconnaissance — Réconciliation. Il initia des rencontres en direction des descendants de colons, de négriers africains qui reconnaissaient l’esclavage comme crime contre l’humanité, mais aussi vers les porteurs de la mémoire de l’abolition en France hexagonale (insérer lien vers le site internet du réseau « la route des abolitions et des droits de l’Homme » : http://www.abolitions.org/). En 2013, il expliqua, dans un article publié dans Le Monde , que la Réconciliation était non seulement une démarche humaniste, mais aussi une nécessité vitale pour le développement des collectivités d’outre-mer nées dans l’esclavage. Le 23 mai 2013, la Réconciliation prend tout son sens lorsque Serge Guezo, Prince d’Abomey, et Dominique de La Guigneraye, descendant de colon martiniquais, interviennent au côté de Serge Romana, alors président du CM98, lors de la cérémonie Limyè Ba Yo [honorons-les], place de la Bastille.

Serge Guézo, Serge Romana, Dominique de la Guigneraye

Serge Guézo, Serge Romana, Dominique de la Guigneraye

Roger de Jaham, Serge et Viviane Romana

2009 : rencontre entre les descendants de colons représentés par Roger de Jaham et l’association CM 98, avec Serge et Viviane Romana

Le 22 mai 1998, le martiniquais Roger de Jaham, avec 300 descendants de colons dont Éric de Lucy (président de l’UGPBAN) et Bernard Hayot (PDG du Groupe Bernard Hayot), publia un texte intitulé « Nous nous souvenons » dont la conclusion sans appel était « il est impératif que tous les Martiniquais s’unissent pour déclarer l’esclavage comme étant un crime contre l’humanité » (lien sur la déclaration et les signataires : à fournir). En 2007, il crée avec une soixantaine de personnes issues de toutes les composantes de la société martiniquaise, l’association « Tous créoles » dont l’objet est « de contribuer à l’édification d’une communauté créole apaisée, solidaire et affranchie de tout sectarisme ».

En mai 2009, une délégation de descendants de colons de la Martinique, composée de Roger de Jaham, Guillaume Hayot et Dominique de la Guigneraye, participe à deux séances de groupe de parole organisée par le CM98 et dirigée par Viviane Romana (docteur en psychologie, spécialiste d’ethnopsychiatrie) à Saint-Denis en région parisienne. L’idée est de mieux comparer, à partir de témoignages, les caractéristiques des familles, la mémoire des origines, le préjugé de la couleur de la peau, l’atteinte de l’estime de soi, les héritages issus de l’esclavage colonial pour les descendants d’esclaves et de colons.

En 2014, Serge Romana, Bernard Hayot, José Gaddarkhan (PDG de la Société Antillaise de Bâtiment Travaux Publics), Jean-Luc Cafournet (PDG d’URBIS) et Viviane Romana (Fondatrice du CM98) se rencontrent à Paris et commencent les premières discussions pour renforcer la démarche de Réconciliation.

Jean-Luc Cafournet, José Gaddarkhan, Bernard Hayot, Viviane Romana et Serge Romana

Jean-Luc Cafournet, José Gaddarkhan, Bernard Hayot, Viviane Romana, Serge Romana

Judes Galli, Marie Line Mormin (représente Roger de Jaham), Emmanuel Gordien, Luc Laventure, Eric de Lucy, Serge Romana, Serge Guézo, Viviane Romana, Philippe Lavil et Jean-Luc Cafournet

Judes Galli, Marie Line Mormin (représente Roger de Jaham), Emmanuel Gordien, Luc Laventure, Eric de Lucy, Serge Romana, Serge Guézo, Viviane Romana, Philippe Lavil et Jean-Luc Cafournet

Le 23 mai 2015, après avoir assisté aux différentes célébrations du 23 mai (religieuse à la basilique de Saint-Denis, républicaines dans plusieurs villes de la région parisienne et l’évènement Limyè Ba Yo sur la place de la République), Éric de Lucy déclare : « la Reconnaissance d’abord puis la Réconciliation ».

C’est sur cette base que Serge Romana et Éric de Lucy proposent en avril 2016 la constitution de la Fondation Esclavage et Réconciliation dont un communiqué de presse annonce le 5 mai 2016 la création.

Le 23 mai 2016, la fondation se présente à la presse.

En décembre 2016, elle devient membre de la Fondation de France.

Charte de la fondation

Nous, Serge Romana, Bernard Hayot, Serge Guezo, José Gaddarkhan, Éric de Lucy, Jean-Luc Cafournet, Roger de Jaham, Marie-Paule Bélénus Romana, Judes Galli, Daniel Marival, Marie-Josée Alie Monthieux, Emmanuel Gordien, Philippe Laville, Luc Laventure, Viviane Rolle Romana, descendants d’esclaves, de colons et d’engagés indiens originaires de la Guadeloupe et de la Martinique et de descendant des Rois d’Afrique ayant participé à la traite négrière, avons décidé de créer la fondation Esclavage et Réconciliation afin d’amplifier le travail de mémoire permettant la Réconciliation des peuples des sociétés post-esclavagistes françaises avec eux-mêmes, de ces sociétés avec l’Afrique et avec la République française.

Nos sociétés sont nées dans l’inhumanité de l’esclavage colonial, dans des blessures et des haines innommables. À l’origine, nos ascendants furent à des places antagoniques dans cette histoire-là.

Pendant longtemps, ces divisions, ces blessures et ces haines congénitales ne furent jamais traitées, ni par les descendants d’esclaves pour lesquels cette origine était honteuse, ni par les descendants de colons qui n’étaient pas les mieux placés pour le faire, ni par les descendants d’engagés indiens, non présents au Commencement, et encore moins par la République française qui fit débuter l’histoire de nos sociétés en 1848. C’est pourquoi ces folies habitent et animent encore aujourd’hui le monde antillais et elles continuent à être la matrice de sens de nombreux conflits sociaux ou individuels qui y surviennent. Ainsi, aujourd’hui, la mémoire des Premiers temps reste encore trop conflictuelle et place toujours, dans certaines situations, les uns et les autres à la position que leurs ancêtres occupaient du temps de l’esclavage. Dans une telle situation, il est impossible de partager et construire ensemble un quelconque projet sociétal.

Nous vivons pourtant dans le même espace et nos destins sont irrémédiablement liés.

C’est des descendants d’esclaves, car les plus en souffrance vis-à-vis de cette histoire, que pouvait surgir l’impulsion d’un travail de mémoire de l’esclavage permettant d’envisager d’apaiser, de combler la rupture mémorielle. Le 23 mai 1998 à Paris fut une étape décisive dans leur marche émancipatrice. Ils décidèrent d’inverser la valence du stigmate de l’esclave. Cette révolution mémorielle permit à des milliers de descendants de retrouver leurs aïeux et pouvoir s’affilier à eux. Grâce à cette affiliation, un grand nombre de descendants d’esclaves purent sortir de l’errance identitaire, de la victimisation et du ressentiment contre les descendants de colons et contre la République. C’est avec la force de cette mémoire régénérée, celle d’être les descendants d’hommes et de femmes identifiées, survivants d’un crime contre l’humanité, que le CM98 appela le 10 mai 2013, à la Réconciliation des différents protagonistes de cette histoire [lien vers l’article à fournir]. Réconciliation dans quatre directions : Réconciliation des descendants avec leurs aïeux qui eux sont les victimes de l’esclavage [et non les descendants], Réconciliation avec les descendants de colons qui sont des héritiers des colons esclavagistes [mais non les bourreaux] et dont certains ont reconnu courageusement en 1998 l’esclavage comme un crime contre l’humanité. Réconciliation avec l’Afrique accusée d’avoir vendu ses enfants, et enfin Réconciliation avec la République qui restât coloniale encore au 20e siècle.

C’est cet appel qu’ont entendu les membres fondateurs de la fondation Esclavage et Réconciliation. La Réconciliation est pour nous à la fois un objectif et une posture que chacun des membres de la fondation adopte a priori. Elle est un positionnement qui doit toucher l’âme, car c’est l’âme qui a été atteinte dans l’esclavage. Elle est un chemin que nous avons décidé d’arpenter ensemble et nous invitons le maximum de compatriotes de nos sociétés post-esclavagistes à le choisir également. La Réconciliation est rédemptrice des maux hérités du passé. Elle est le chemin pour la construction de l’avenir de nos sociétés.

La fondation Esclavage et Réconciliation n’est pas un mouvement politique ou idéologique. Sa mission est de soutenir financièrement des projets qui entrent dans le cadre de ses objectifs. Par son existence, elle témoigne de la Réconciliation

Nous sommes conscients que cette Fondation ouvre une nouvelle ère en Guadeloupe et en Martinique qui est salutaire pour l’avenir de ces pays. Nous sommes déterminés.